“ATTENTION AUX PIQÛRES !” : dézoom sur cette phrase qu’on a entendue partout ce week-end, qui prévient les femmes qu’il faut (encore et toujours) faire attention plutôt que de profiter de la fête.
La fête de la musique cette année a eu un retentissement bien spécial. Elle est tombée en pleine “Music Week”, organisée par le gouvernement, qui réunissait les mastodontes de la musique sur des méga scènes. La fête nationale du 21 juin a ainsi bénéficié d’un buzz TikTok international, qui a attiré tout plein de touristes venus spécialement pour l’occasion.
Une psychose s’est fendue à quelques heures de l’événement, qui en dit beaucoup sur notre société : la peur que les femmes se fassent piquer avec des seringues contenant des drogues comme du GHB ou de la kétamine.
Les réseaux alertent (encore et toujours) les femmes, sur l’insécurité de la fête
Vous avez peut-être vu tous les messages relayés sur les réseaux, surtout de femmes : “DANGER ! DES HOMMES PRÉVOIENT DE DROGUER ET D’ATTAQUER DES FEMMES A LA FÊTE DE LA MUSIQUE”, ou encore “Des hommes ont prévu de piquer à la seringue des femmes ce soir”. L’information viendrait de la messagerie sociale Snapchat, photos de seringues commentées à l’appui, et prend comme un feu de paille.
Toute la journée et la nuit, des comptes militants, bientôt suivis par les médias, déploient des kits de conseils pour bien agir “ne vous isolez surtout pas”, “faites vous aider”, “appelez les secours, la police, un proche”, “rendez-vous aux urgences pour prendre le traitement anti-sida, faire des tests”, etc.
Il y a même un mot de passe qui a été inventé, il fallait demander à la personne “il est beau ton haut, c’est quelle marque ?” si la personne répondait “H&M” c’est qu’elle était en danger. Menaces, réaction et organisation effective, les posts se partagent et s’envoient dans les groupes d’ami·es.
A-t-on un instant pu douter de l’énorme cerveau des meufs et de leur sororité sans faille ? (non)
La terreur sexuelle : une peur sociale et genrée de la fête
Puis vient le contrecoup : qu’est-on en train de faire ? C’est ici qu’il faut invoquer le concept de terreur sexuelle. C’est la philosophe Nerea Barjola qui a inventé le terme, citée par Irène Garcia Galàn samedi dans un post Instagram.
Le livre dont parle Irenevrose reçu en 2021 une distinction nationale du gouvernement espagnol pour son importance dans la recherche en transformation sociale. Nerea Barjola y aborde la psychose autour de la disparition en 1992 de trois adolescentes à Alcàsser alors qu’elles allaient en boite. Elle explique que la terreur sexuelle se construit par tous les éléments de langage, qui sont là pour rappeler en permanence que l’espace public (surtout la nuit, surtout la fête) est dangereux, avec des risques d’agressions sexuelles.
La charge mentale de la culture du viol
Ça crée une sensation de peur constante et finalement ça discipline les femmes, elles finissent par s’autolimiter à rester à la maison, hors du danger. Nerea Barjola parle même d’une carte mentale des endroits où les femmes sentent qu’elles peuvent ou ne peuvent pas aller, des heures où elles ne devraient pas être seules dans la rue, et des activités qu’elles n’osent pas pratiquer. Leur sécurité est leur responsabilité, et pas celle de ceux qui créent l’insécurité. Ça fait partie de la famosa “culture du viol” comme on l’appelle : c’est de l’inconscient et c’est partout.
Ça ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de danger, 12 personnes interpellés, 145 cas de piqures recensées, mais ça veut dire que le danger est là tout le temps, potentiellement, et qu’il ne faudrait pas faire peur aux femmes, mais aux hommes qui agressent. C’est à eux qu’il faut mettre la pression, et inviter les meufs à aller s’éclater en soirée, à faire la fête trop tard, danser, crier, être dehors la nuit !